Choisir son appareil argentique
(pour ceux qui sont nés après 2000...)
Je
rencontre beaucoup d’apprentis photographes qui voudraient bien se
lancer dans l’aventure argentique, mais hésitent sérieusement
face au marché de l’occasion, où l’on trouve, à tous les prix,
le meilleur comme le pire.
Quelques
questions préalables permettent de limiter le champ des recherches,
et, en premier lieu, de savoir dans quelle activité photographique
on veut se lancer.
Est-ce
que l’on cherche à photographier posément, avec un pied, des
sujets peu mobiles, ou est-ce que l’on préfère la photo à la
sauvette de sujets mouvants et imprévisibles? Est-ce que l’on se
donne le temps de peaufiner des réglages manuels, avec une mesure de
la lumière précise, ou est-ce que l’on préfèrera se focaliser
sur le sujet, en se souciant le moins possible des réglages? Le
bruit de l’appareil photo est-il important? Son poids? Son
encombrement? Est-ce qu'on se contentera d'un objectif standard, ou
aura-t-on besoin d'objectifs additionnels (zoom, macro, grande
ouverture, téléobjectif puissant...)? L'appareil devra-t-il être
plutôt discret, ou pas? Cherchera-t-on à réaliser des images avec
du grain, ou recherchera-t-on plutôt la finesse et le piqué?
Dans
le cas de la photo posée, le choix d’un appareil manuel, plutôt
moyen format, donnera beaucoup de satisfaction. par exemple, les
moyens format Hasselblad, Rolleiflex (si vous avez les moyens),
Yashica (Mat 124G), Pentax 67, Mamiya (RB67, C220, C330), Bronica,
Semflex, Kiev, Fed, voire Lubitel (si vous êtes fauchés) vous
conviendront parfaitement. Avec un spotmètre ou une cellule (Lunasix
...) vous serez paré. En format 135, tous les modèles mécaniques,
manuels, ou automatiques débrayables, feront l’affaire, mais
privilégiez les modèles qui acceptent de belles optiques.
Pour
la photo plus mouvementée, n’hésitez pas à choisir dans les
derniers modèles sortis, les plus performants, les plus silencieux
(personnellement, mes préférés sont le Canon EOS 30/33, les Nikon
F100 et F80, les Olympus Mju2 et XA), et souvent très légers. Le
format 135 est plus adapté, car le choix des appareils moyen format
proposant des automatismes poussés est très réduit et leur prix
exorbitant.
Ensuite,
il est important de prévoir si l’on se contentera d’une optique
fixe (qui peut être excellente) ou si l’on envisage absolument
d’utiliser plusieurs objectifs. Le choix de l’optique fixe (qui
peut etre un zoom, d’ailleurs) imposera de choisir un bon compromis
d’appareil; en format 135, on trouvera plutot des appareils à
viseur (mais il y a quelques bridges reflex, d’ailleurs peu chers
et de bonne qualité), voire à télémètre, Olympus Mju, XA, Minox,
Rollei, Konica)
Critères d’état:
Espérance de vie de l’appareil
L'espérance
de vie d'un appareil photo est liée à sa solidité (en cas de
choc), à l'usure de ses composants, à la compatibilité de son
format (aujourd'hui, seuls les formats 120 et 135 sont encore fournis
en pellicules, mais on ne sait pas pour combien de temps, même si
l'argentosphère semble très active.
Les
risques de défaillance des composants électroniques augmentent
sérieusement après 40 années, notamment les minis condensateurs
chimiques. Les conditions de stockage -de mauvais stockage- peuvent
provoquer des avaries fatales au bon fonctionnement de l'appareil:
champignons sur les lentilles de l'objectif, oxydation des rails de
l'obturateur, des lamelles de l'obturateur, coulures des piles
usagées dans le circuit électrique, pour ne citer que les plus
courantes.
- Réparabilité
Soyons
clair: les appareils photo dont nous parlons ont entre 15 et 70 ans.
Plus les mécanismes sont simples, moins ils tombent en panne. Mais
ils restent souvent réparables, même si les réparateurs compétents
ne courent plus les rues. Les appareils électroniques, les plus
récents, sont beaucoup moins réparables, et lorsqu'un composant
lâche, l'appareil est généralement condamné. Il est illusoire
d'espérer une réparation, mieux vaut le remplacer, ou avoir
plusieurs boitiers en stock.
L’alimentation électrique
L'alimentation électrique de l'appareil permet, selon le modèle:
- de faire fonctionner la mesure de la cellule et le calcul de l'exposition
- de faire fonctionner l'obturateur électronique
- de faire avancer le film
- de faire fonctionner l'autofocus
- de faire fonctionner le flash
On
voit immédiatement que, selon le modèle, les besoins en
alimentation électrique doivent être pris très au sérieux, au
risque d'avoir un appareil inutilisable (modèle de piles
introuvables, piles très couteuses, ou pas de réserve)
Selon
l'époque, les appareils sont devenus de plus en plus gourmands;
voici une liste rapide des divers modèles de piles utilisées depuis
les années 60:
- les piles au mercure, piles boutons PX13, sont à présent interdites et introuvables. Elles peuvent être remplacées par des piles alcalines PX625, ou des Zinc/Air LR9. Leur tension est toutefois légèrement différente.
- Les piles au lithium 2CR5, CR2...de technologie moderne, sont faciles à trouver, mais coutent très cher à l'usage; lorsque c'est possible, il ne faut hésiter à ajouter un pack batterie à son appareil, qui permet d'utiliser des piles standard 1,5 volts. On peut trouver des batteries rechargeables pour certains modèles.
- Les piles bouton LR44, communes peu couteuses, alimentent, en général, uniquement les cellules des appareils semi-automatiques de première génération.
- Les piles standard 1,5 volts, de loin le meilleur choix.
Le type d'obturateur
Ce
sujet en regroupe en fait deux: d'une part le type d'entraînement de
l'obturateur, mécanique ou electr(on)ique, d'autre part le type
d'obturateur.
- Les appareils photo primitifs disposent d'un mécanisme rudimentaire d'obturation manœuvré manuellement; une seule vitesse disponible, souvent entre le 1/30° et le 1/125° de seconde, mais indestructible. Ces appareils nécessitent d'être étalonnés (vitesse et ouverture réelles) pour être utilisés au mieux avec une cellule.
- Les appareils les plus anciens disposaient d’obturateur mécanique, en fait un mécanisme d'horlogerie, qui nécessite d'être armé préalablement pour fonctionner; les vitesses sont assez approximatives, mais suffisamment justes, à mon sens, pour de beaux clichés noir en blanc. Ces mécanismes sont sujets au grippage, à l'usure, à la casse des ressorts, mais restent globalement très robustes et fiables.
- Les appareils fabriqués à partir des années 70 disposent d'obturateur électrique, ou électronique. C'est, en fait, un micro-moteur piloté par une temporisation électrique, ou par une puce électronique. Ce type d'obturateur est bien plus précis, très fiable, mais ces composants électroniques ont une durée de vie qui n'excède souvent pas 50 ans (notamment les petits condensateurs chimiques). C'est à prendre en compte lors du choix de l'appareil.
- Les obturateurs les plus anciens étaient constitués d'un mécanisme d'horlogerie qui ouvrait un système à lamelles situé derrière le diaphragme, dans la platine de l'objectif, intercalé entre les groupes de lentilles. Ce type d'obturateur, appelé obturateur central, est sujet à grippage, il arrive que les lamelles restent collées, ou s'oxydent. La réparation de ce type d'obturateur s'avère souvent très délicate.
- A partir de l'apparition du format 135, et des appareils petit format Leica, ce même fabricant a mis au point un nouveau type d'obturateur, à rideau, situé à l'arrière de l'objectif, juste devant le film. Initialement en tissu, il a, bien plus tard, évolué vers des systèmes à lamelles, plus rapides et encore plus fiables.
Les mousses
C'est
un fait avéré, les mousses garantissant l'étanchéité à la
lumière des trappes d'accès au film doivent être systématiquement
remplacées, car elles ne remplissent plus leur rôle, soit qu'elles
ont disparu, soit qu'elles sont devenues collantes, et qu'elles
risquent de se déposer, par inadvertance, sur le film; de même, les
mousses qui amortissement le miroir des appareils reflex, qui sont
faites du même matériau,sont aussi à remplacer. C'est inévitable
pour bien utiliser son appareil argentique.
Autres critères:
Le mode d'armement.
Il
existe trois types d'armement (et d'avancement du film):
- En premier lieu, le plus rustique, c'est l'avancement manuel du film, et l'armement manuel, et distinct, de l'obturateur. Le Mamiya C220 fonctionne ainsi, par exemple, ainsi que tous les appareils les plus anciens. Il faut constamment faire un effort de mémoire, pour éviter les surimpressions, et oublier les clichés sur le vif...
- Ensuite, celui qui a ma préférence, car il n'entraine pas vers la gabegie de film, c'est le levier d'armement couplé, manuel, mais rapide. Question de gout, mais j'aime bien sentir le film avancer.
- Enfin, le nec plus ultra, c'est la motorisation (jusqu'à des cadences très rapides, ce qui est devenu un non-sens pour l'argentique actuelle), très confortable, car l'appareil est toujours prêt, parfait pour la street photo; elle équipe la plupart des appareils petit format, donc la question ne se pose pas vraiment, en fait. Pensez juste à bien laissez l'appareil en mode “single view”...
Le type de mise au point.
Autofocus
ou pas? Il y a 30 ans, je n'étais pas fan, voire un peu
hostile..depuis, j'ai véritablement découvert l'autofocus, pour la
street photo, notamment, et je suis convaincu qu'il n'y a pas une
multitude de façon de mettre au point, une fois le sujet ciblé, et
que la machine le fait mieux que moi, plus rapidement, plus surement,
d'autant plus qu'avec l'age, ma vue commence à défaillir...La mise
au point manuelle est une option de repli, très clairement, sauf
pour certains usages, à la limite du domaine de fonctionnement de
l'autofocus (sujets éloignés, photo posées...)
La
mise au point manuelle, en dehors des appareils à visée reflex,
nécessite d'utiliser un télémètre à coïncidence, redoutablement
efficace,sous réserve du bon étalonnage du télémètre. Sans
télémètre, la mise en point au jugé (échelle des distances sur
l'objectif, ou symboles...) n'est pas sans péril...
Naturellement,
l'utilisation d'un appareil fix-focus donnera des résultats mitigés,
si l'on n'est pas un lomographe averti.
Type d'objectif
Fixe
ou interchangeable? La véritable question, c'est de savoir si l'on
peut se permettre de disposer de plusieurs appareils, chacun ayant un
usage spécifique, donc un objectif fixe, ou si l'on préfère
disposer d'un boitier multi-usages, et de plusieurs objectifs? Quel
est le rapport entre la multiplicité du matériel et la polyvalence
recherchée? Ne vaut-il pas mieux s'habituer à moins de matériel.
Personnellement,
je penche pour l'utilisation de plusieurs appareils, certains très
peu encombrants, d'autres plus lourds, en fonction de l'objectif de
la séance.
J'ai
des appareils à objectif fixe (Olympus Mju et XA, Yashica Mat), et
de nombreux reflex avec une infinité d'objectifs, dont je n'utilise
qu'un nombre très réduit.
Je
n'ai pas vraiment tranché cette question, je l'ai plutôt contournée
en remplissant des cartons de matériel...et j'essaie jusqu'à ce que
je trouve ce qui me convient le mieux...sur l'instant.
Il
y a un autre dilemme, celui du zoom ou de la focale fixe; je dirai
que le zoom est un invention qui ne permet pas d'obtenir les plus
belles images, car ces objectifs sont faits de plus de lentilles, de
plus de poussières, de plus de jeu, de plus de poids, et de beaucoup
moins de luminosité de que les focales fixes. Donc, les zoom, c'est
uniquement du dépannage, un ersatz d'objectif...à éviter, sauf si
l'on a pas le sou.
Format du film
De
la multitude de formats ayant eu cours depuis les années 20, il n'en
restent plus beaucoup de véritablement utilisables de nos jours,
principalement parce que les pellicules, ou les films, ne sont plus
fabriqués (mais on peut toujours tomber sur un stock de vieux films
New Old Stock), ou parce que les films ne sont plus “developpables”.
Je
ne ferai pas la liste des formats disparus, mais uniquement de ceux
qui restent.
- Les plans-films, que l'on utilise dans les chambres photos, ne sont pas d'un usage commode pour une utilisation ordinaire, et plutôt réservés à des amateurs très éclairés, ou des professionnels. Pour ceux que cela intéresse, les plans-films continuent à être fabriqués.
- Le moyen format, appelé aussi format 120, ou 220, est un type de film enroulé autour d'une protection en papier, et permet de réaliser des négatifs en 4,5x6, en 6x6, en 6x7 et en 6x9, mais avec un nombre de poses limité par film (12 poses en 6x6). Il existe une grande diversité dans les types d'appareils, plus que dans les fabricants. Ces films sont toujours disponibles dans plusieurs marques, et dans plusieurs sensibilités. Fuji, Foma, Lucky, Rollei, Ilford, notamment. Ces films n'existent pas en rouleaux de grande longueur.Le moyen format permet d'obtenir des négatifs, ou des diapositives, de grande finesse, mais en contrepartie d'un matériel habituellement lourd, encombrant et peu maniable. Les couts (matériel, pellicules) flambent aussi. Mais la qualité est vraiment au rendez-vous.
- Le format 135 reste le plus commun, le plus commode, celui qui offre le plus grand choix et la plus grande disponibilité de matériel et de films. Foma, Ilford, Rollei, Fuji, continuent de proposer des films noir et blanc, couleur, diapos, de diverses sensibilités, de diverses longueurs, y compris en 17 et 35 mètres (voire plus...). Les images obtenues permettent de réaliser des agrandissements jusqu'au format A3, taille au delà de laquelle le grain s'affirme vraiment (mais est-ce vraiment un problème? si l'on choisit l'argentique...je vous laisse méditer)
- En dehors de ces formats, pour une utilisation régulière, on entre dans le domaine de la lomographie, ou photographie argentique borderline et aléatoire, qui produit des images magnifiques. Respect!
Poids
Selon
l'usage auquel on destine l'appareil, le critère du poids sera
déterminant, si l'on souhaite disposer d'un appareil rapide à
mettre en œuvre, voire à prendre de vues au jugé.
Les
appareils les plus anciens, avant les années 70, étaient faits de
métal, essentiellement, donc plus lourds, et moins automatiques. Les
appareils plus récents ont été construits avec des matières
synthétiques plus ou moins résistantes, selon la gamme. Les
appareils grand public, d'entrée de gamme, sont faits de plastique
fin et peu résistant aux chocs, aux UV, et autres agressions
extérieures, pour la coque, et d'un châssis plastique plus ou moins résistant aux chocs (comme les Canon EOS 500, par exemple, ou le
Minolta Dynax 404). D'autres modèles, dits “expert” ou “pro”,
disposent d'un châssis métallique, ou d'un châssis plastique
résistant, et d'un habillage plastique tropicalisé très résistant
(c'est le cas de mon Nikon F100, ou du Canon EOS 3).
Conclusion
La
profusion d'appareils sur les sites d'annonces, sur les marchés aux
puces, laisse perplexe, d'autant plus que leur bon état est parfois
compliqué à vérifier, et qu'il ne faut jamais se fier aux dires de
leur vendeur. Cependant, on peut arguer du désintérêt général
pour l'argentique, et des difficultés pour vérifier le bon
fonctionnement, pour obtenir un prix dérisoire.
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