Carmencita, de Laberte et Magnié, luthiers à Mirecourt

Trouvée le 23 juin 2019 dernier dans un vide grenier à Pélissane, voici un beau spécimen de guitare
acoustique jazz fabriquée à Mirecourt, entre 1931 et 1946, par Laberte et Magnié.
C'est un modèle dérivé d'un modèle classique, mais avec un pan coupé. A noter que toutes les guitares fabriquées par Laberte et Magnié semblaient s'appeler Carmencita...
Elle a fait l'objet d'un projet de restauration avorté. Je reprends donc la suite de ce projet.



1- Mise à nu

J'ai commencé par démonter les cordes, les chevalet. Le cordier d'origine est encore vissé. On voit la tentative de ponçage de la table, avec plusieurs taches à éliminer (colle du chevalet notamment). Hormis les taches et empreintes de ponçage, la table est intacte. Je ne pourrai pas rattraper certaines empreintes de ponçage trop profondes sans risquer de réduire trop l'épaisseur de bois et d'altérer sérieusement sa résonnance.


Le cordier d'origine sera probablement remplacé par un cordier plus fonctionnel, tant pis pour l'orthodoxie "luthique". Celui là n'est vraiment pas beau, et, de plus il n'est pas forcément facile de trouver des cordes  neuves avec boucle, elles sont plutot livrées avec des perles métalliques, Les trous des vis abandonnés seront rebouchés avec des cure-dents enduits de colle blanche avant ponçage.
 
Vue de la tête, assez étroite, mais dont la forme est très inspirée par celle d'une guitare classique. Au cas ou je choisirais de radiusser un peu la touche, je changerais le sillet pour de l'os ou de l'ivoire.
Les mécaniques d'origine ont été démontées, et seront remplacées, car dépareillées.
La touche a souffert du de-frettage, avec de nombreux éclats de bois. De plus, elle se décolle du manche prés de la tête. Je décide finalement de la garder, en la décollant et la recollant soigneusement, avec rebouchage des éclats, et ponçage soigné, et peut etre mise à un radius léger si possible, et re-frettage. Le manche sera passé à l'huile de lin à la fin.







Le vernis nitro-cellulose assez dégradé, il n'est pas possible de le laisser dans un tel état, d'autant que la table a déjà été poncée. Il sera donc poncé soigneusement.
L'ensemble de l'éclisse ne présente aucune avarie.










2- Ponçage et rebouchage

Après quelques heures de ponçage manuel à la cale à poncer, gros grain de 80 pour enlever le vernis, puis 180, puis laine d'acier 0, et enfin laine d'acier 000, pour un toucher soyeux.
L’état du bois se confirme: aucune réparation antérieure, bois impeccable, aucun dommage.

3- Les petits, les petits trous...et les frettes.


Rebouchage des trous des vis des mécaniques et du cordier avec des cure-dents enduits de colle blanche. Fastoche et efficace.


La partie la plus délicate, la réparation des éclats de bois de la touche.
J'ai choisi une pate à bois bi-composants de chez Leroy-Rama.
Je viens de recevoir les frettes (merci mes petits chinois, qui, des fois, ne m'arnaquent pas...). Elles ont l'air véritables, et font la bonne longueur...On progresse.


Une vue du manche recollé, sans le sillet, que j'ai pris soin de nettoyer et de poncer, et  comme il est en os, je vais le garder, finalement.
Vue de la protection des traits de scie du frettage, pour éviter le les combler avec la pâte à bois.




4- Imprégnation du bois...et la suite des frettes.


Résultat provisoire après une première couche d'huile de lin+terebenthine+siccatif. Le bois prend une couleur miel, et les veines ressortent bien. Il y aura plusieurs couches, avec un ponçage à la laine d'acier 000 entre chaque couche.








                                        


Enfin, le chat-luthier en plein effort.


5- Fin du traitement du bois...et fin des frettes.

Après 5 couches d'huile de lin, jusqu'à ce que la dernière couche ait eu du mal à sécher, dernier passage de la laine d'acier 000, puis double couche de cire...je dois dire que le résultat me plait beaucoup...ca change du vernis.








J'ai terminé le travail sur les frettes, j'ai eu un peu de mal, parce que la touche a été endommagée, que je ne suis pas plus sur que ça des mes reparations, et que j'avais été un peu brutal avec mon marteau. J'ai trouvé un petit maillet spécial, bien moins brutal, et j'ai quand même du changer une frette qui refusait de se mettre en place. Il faudra peut être niveler l'ensemble, on verra plus tard.






Les nouvelles mécaniques, que j'avais en stock (je les avais oubliées). Peu conformes au modèle d'origine, mais je fais ce que je veux, hein !



6- Fin des haricots. La Carmencita a retrouvé une seconde jeunesse
 


 J'ai finalement remonté un cordier en tôle emboutie, qui ressemble beaucoup à ceux qui équipaient certaines guitares anciennes de ce type. J'ai cannibalisé une autre guitare un peu asiatique (une Artisan qui se trouve aussi sur ce blog)
J'ai remis le chevalet d'origine, à cause de la hauteur des cordes, j'avais prévu de mettre un chevalet réglable, mais sa hauteur ne convenait vraiment pas.
Enfin, j'ai monté des cordes extra light 008-038 (asiatiques, aussi...), surtout pour entendre le son de la belle.
Et là, pas déçu du tout. La belle est bien d'un grand cru vosgien...

Et elle attend son nouveau propriétaire...

Parce que, je ne sais plus vraiment quoi en faire, à part de la laisser accrochée au  mur de mon atelier...

J'essaierai de me fendre d'une petite video de démo, avant qu'elle parte.



***/\***














Commentaires

Articles les plus consultés